TP EQUIPE 2

Nombre de messages : 1 Age : 44 Date d'inscription : 15/10/2007

Rappel des membres et du chef :

- Evangelyne Mitra
- Sarah Chase
- Alice Davis
- Jared Stolarski
- Mike Dallänski

------------------------------

La matinée était déjà bien entamée lorsque les détenus arrivèrent au Bloc C. Ils s'arrêteraient au bout d'une heure pour prendre leur repas, et recommenceraient le travail jusqu'au soir, sans aucune pause de prévue. N'étaient-ils pas de simples prisonniers ? Certains bâtiments ayant besoin d'être repeints, voire retapés pour quelques pièces, il était impensable d'embaucher de vrais employés alors que des dizaines de personnes étaient déjà à leur disposition. Oh ils étaient payés, mais à côté de ce qu'un professionnel aurait demandé, il n'y avait pas photo. Greg et John discutaient de ce sujet lorsqu'ils débarquèrent dans la cour, où les attendaient les équipes numéros 2 et 3. Après avoir compté le nombre de détenus présents, ils les menèrent au second étage du fameux Bloc C dans lequel ils passeraient les prochaines heures à trimer.

Greg et l'équipe 3 se dirigèrent vers la gauche alors que les autres continuaient leur chemin, à destination d'une plus grande pièce. La peinture était horrible, sans compter les nombreuses taches d'humidité. Comment une pièce aussi vaste et contenant autant de fenêtres se trouvait dans un tel état ? L'abandon était la seule solution que pouvait entrevoir John, mais il n'aurait juré de rien. Cela ne faisait pas plus de trois semaines qu'ils avait été embauché à Fox River en tant que gardien. Alors l'histoire de cette prison... Tout ce qu'il savait, c'était que Bellick avait ordonné la remise à neuf du bloc. Et il fallait obéir à Bellick.

- Là, vous avez tout votre matériel, lâcha John d'une voix atone.

Il pointa un coin de la pièce où reposaient plusieurs seaux de peinture blanche, des rouleaux et quelques pinceaux pour les endroits plus délicats. Pour la énième fois, il se demanda à quoi pourrait bien servir cet endroit dans un futur proche. Pope avait-il demandé à ce qu'il soit retapé pour l'utiliser comme salle de réunion ? Ce serait étonnant, mais pourquoi pas après tout, le warden faisait ce qu'il voulait et un maton comme John n'avait pas à s'en mêler. Ce dernier s'approcha ensuite de Mitra, une détenue plutôt coriace à ce qu'on lui avait dit, et qui avait été désignée comme chef du TP. Il lui tendit un support muni d'une feuille de papier et un stylo.

- Tu bosses aussi, mais je veux ton rapport. Ce que vous avez fait, qui a emprunté quel matériel. S'il manque quoi que ce soit à la sortie, c'est toi qui prend, c'est clair ?

Puis, d'une voix plus forte alors qu'il se dirigeait déjà vers la sortie, John lança d'un ton extrêmement suffisant et désagréable :

- Au boulot maintenant ! Je passerais voir alors ne traînez pas.

Après un dernier regard empli de haine aux détenus, il quitta la pièce et rejoignit Greg, qui l'attendait déjà. Ils retournèrent tous deux à leur salle de repos - temporaire néanmoins à cause de l'incendie qui avait ravagé l'autre - et burent un café en reprenant le fil de leur discussion. Ils se savaient tranquilles un bon moment...

Semblant assez censée pour supporter un « rapport », Evangelyne ne se fit pas répéter deux fois quelque chose qui n’était vraisemblablement pas nécessaire de se faire expliquer une seule et unique fois. Preuve qu’un détenu était considéré comme un arriéré qui faisait bien d’être intégré à des murs, elle ne retint aucune autre attitude qu’une impassibilité devenue naturelle, et finalement, l’ayant toujours été. Ce n’était pas utile de distinguer ici plutôt qu’ailleurs, et elle ne se réjouissait pas particulièrement – en sachant qu’elle ne se réjouissait de rien – de devoir effectuer ce TP. Le besoin d’utilité prédominait ce que l’on nommait l’envie, et, quelque soit la raison qui poussa les uns ou les autres à faire partie de cette activité pénitentiaire, Evangelyne ne s’en informerait pas, et ne se formaliserait pas non plus de qui étaient ces « uns » et ces « autres ».

Evidemment, quand l’on considérait un instant qu’« ils » étaient soit Jared Stolarski soit Alice Davis, ne pas se formaliser devenait nettement plus délicat. Se devant de passer au-delà de cette simple considération, Evangelyne ne pensait pas qu’il soit, de toute façon, nécessaire qu’un rapport quel qu’il soit ait lieu. S’évertuant à demeurer indifférente à tout ce qui l’entourait, Evangelyne semblait avoir décidé qu’elle resterait fidèle à ce que l’on savait d’elle : froid, ferme, distante. Elle n’aurait point besoin d’être cinglante, de répartir, ou autre, qu’elle savait qu’aucun d’entre eux ne voudrait s’offrir la désutilité de perdre du temps avec elle. Avoir la haine des autres sinon au moins le mépris avait un aspect réconfortant pour elle. Curieuse façon de penser. Peut être bien, mais Evangelyne Mitra n’était pas une femme comme les autres. Quoi qu’il resta encore à définir ces « autres ».

Point de questions existentielles, ce n’était ni le moment ni le lieu. Sans motivation particulière, elle se sentait tout simplement prête à faire ce que l’on attendait de l’asservissement des détenus à des tâches, certes pas dégradantes mais, majoritairement inappropriées. Si elle avait su qu’elle passerait d’enquêtrice dans la vaste ville criminelle de Philadelphie à peintre d’intérieur dans le pénitencier de Chicago … elle aurait agi de la même façon en réalité. Trêve de questions inutiles, ce n’était pas important, ce n’était pas l’instant et ce ne serait jamais le cas d’ailleurs. Esquivant ses propres pensées de nouveau, elle scruta vaguement et évasivement chacun de ses partenaires de TP.

Sarah Chase. Double meurtre avec préméditation. De ce qu’elle avait entendu, elle partageait la cellule d’Alice. Rien à redire. Mike Dallänski. Meurtre. Elle ne savait rien de lui, sinon qu’il était relativement nouveau. Jared Stolarski. Meurtre sur un agent de police. Arrogant au possible, sarcastique, condescendant, mystérieux, mais surtout calculateur, elle le pensait fortement. Il parlerait par son silence. Que de meurtriers finalement. Elle comprise. Et Alice. Alice Davis. Egalement meurtrière. Pourtant … Non, particulièrement mauvaise initiative d’émettre des doutes et des manques de considération. Ce fut pour cette raison qu’elle ne prit pas la peine de s’attacher à redéfinir un portrait qu’elle avait déjà tant ébauché. L’excellente idée du moment ? Faire fi de qui ils étaient, et s’occuper de ce qu’elle devait.

Prise d’intérêt pour la feuille qu’on lui avait remise, Evangelyne en scrutait les lignes sans que la concentration n’y soit. Quelle excellente idée que le TP, n’est-ce pas ? Elle l’était nettement moins quand revoir Alice en faisait partie. Bien. Absolument génial. Elle commençait déjà divaguer dans mille et unes questions, ce qu’il ne fallait absolument pas. Ce qu’elle savait un attachement sentimental proscrit devenait de plus en plus important à mesure qu’elle tentait de s’en défaire. La solution ? La profiler n’avait pas encore mis la main dessus. En tous les cas, sa focalisation principale serait toute autre. Elle se le devait.

[C'est pas d'une grande qualité, mais je n'avais que peu de temps devant moi ><]

Ce fut avec un mélange de joie et de déception que Sarah entra dans la vaste pièce où elle devrait travailler les prochaines heures. Joie, parce que ce "travail" lui permettait toujours de se changer les idées, quelles que soit les tâches qu'on lui donnait. La jeune femme en avait marre de rester assise dans sa cellule ou bien de parcourir la cour de long et en large, toujours plongée dans des pensées qu'elle aurait aimé ne jamais avoir. Le TP demandait certes de gros efforts, surtout que les matons n'hésitaient pas à revenir toutes les heures pour voir comment cela avançait. Et mieux valait pour vous qu'ils ne vous chopent pas les doigts de pied en éventail ou en train de raconter les dernières rumeurs de Fox River avec votre copine de prison. Mais d'un autre côté, ce boulot était libérateur, et Sarah en était bien consciente. C'est pourquoi elle se contenta d'apprécier la chance d'avoir été choisie comme membre de la seconde équipe. Chose bien agréable également, elle se trouvait en compagnie d'Alice, une brunette bien sympathique et accessoirement sa compagne de cellule.

Passons à la déception. Inutile de préciser que celle-ci se situait principalement dans le fait que Rachel avait été transférée dans le troisième groupe de TP. Sarah aurait bien aimé se retrouver avec elle ici, parce que la jeune rousse avait été l'une des premières personnes à ne pas envoyer balader la brunette lorsque cette dernière avait voulu l'aider. Depuis son arrivée entre ces murs, ou plutôt depuis sa prise de conscience face aux actes qu'elle avait commis, Sarah essayait de se racheter comme elle le pouvait. Jamais elle ne sortirait de cette prison, alors que pouvait-il bien lui rester pour que son passage sur Terre n'ait pas été vain ? Une seule réponse s'imposait : aider. Ce fut pour cette raison qu'elle se mit beaucoup de détenus à dos, se mêlant toujours des affaires qui ne la regardaient pas. Les "bleus" restaient des victimes de choix pour les caïds du pénitencier, et ils étaient également ceux que Sarah sortaient parfois du pétrin, quand elle le pouvait. Certains la remerciaient, d'autres se contentaient de hocher la tête et de l'éviter désormais. Beaucoup s'étaient rebellés, indiquant qu'ils auraient pu s'en sortir seuls et qu'ils n'avaient pas besoin qu'on leur file des coups de mains.

*Quelle bande de cons, je me demande encore pourquoi je fais ça. Heureusement que quelques-uns connaissent encore le mot "merci", comme Rachel... En parlant d'elle, j'espère que tout va bien, la dernière fois on s'est quittées sur une convocation du Pope...* songea la brunette en regardant tour à tour ses collègues de TP, puis le maton qui donnait un papier à Evangelyne.

Mitra. Cette femme n'étaient entée à Fox River que peu de temps auparavant, et malgré tout elle avait clairement réussi à s'y faire une place. Sarah était plutôt douée pour juger les gens d'habitude, mais Evangelyne lui posait beaucoup de problèmes. Qui était-elle réellement ? Aucun indice ne s'échappait de son regard neutre et de son attitude plutôt détachée de tout. Cela ne voulait néanmoins pas dire que ce n'était pas quelqu'un de bien. Ca ne signifiait pas non plus qu'elle était complètement innocente, de toute manière pour se trouver là elle avait forcément du faire quelque chose de mal. Sarah n'avait jamais pensé à demander à quiconque la raison pour laquelle Evangelyne s'était retrouvée elle aussi coincée derrière les barreaux de Fox River. Il faudrait qu'elle y songe. Le reste des membres du TP se composait de deux hommes dont Sarah ne connaissait pas le nom. Ils ne semblaient pas extrêmement méchants, mais dans ce genre d'endroit mieux valait ne pas se fier aux apparences. De toute manière, la brunette avait le temps de découvrir la personnalité de ses nouveaux compagnons de labeur.

Le gardien quitta la salle après une dernière "recommandation" dont tous avaient l'habitude. Seule Sara Tancredi, le médecin de la prison, semblait accorder un quelconque intérêt envers les prisonniers. Les matons se contentaient de leur donner des ordres et de les traiter comme de véritables bêtes - voire pire. Pas étonnant qu'ils soient les premiers à déguster lors des émeutes... Bref, il n'était en aucun cas le moment de se plonger dans des souvenirs de ce genre, place au travail. Sarah jeta un oeil au chef du TP en la personne d'Evangelyne. Cette dernière semblait lire les quelques notes qui devaient s'y trouver, sans se soucier que tous les détenus ici attendaient ses "ordres". Après quelques petites secondes d'attente, la brunette éleva la voix.

- Alors, comment tu décides de nous répartir ?

Rien d'agressif dans son ton, ni même de pressé. Ce n'était pas le genre de Sarah de se la jouer impatiente pour si peu de choses, et son dernier voeu était de s'engueuler dès la première minute avec son chef de TP. Peu importe que la jeune femme n'aime pas recevoir d'ordres, c'était son travail d'écouter Evangelyne et tout ce qu'elle voulait, c'était commencer.

Invité

Mike, ne voyant pas grand-chose de plus attrayant à faire, c'était inscrit au TP. Bien-sûr cela ne l'enchantait pas particulièrement, mais puisqu'il devait passer 7 ans dans cette prison de Fox River autant gagné un peu d'argent, même s'il savait pertinemment que le TP n'allait pas lui rapporter une fortune. Cependant, il n'y avait pas beaucoup d'autres choses à faire dans cette prison à part rester dans sa cellule 22h sur 24 ou alors se balader dans la cour, mais Mike se connaissant très bien il savait que ça allait l'ennuyer très rapidement et ce sentiment c'était renforcé depuis sa dernière sortie dans la cour.
Pour en revenir aux Travaux Pénitenciers, le groupe de TP avec qui était le jeune homme avait pour tâche de repeindre une salle du bloc C. Le maton qui les avaient emmenés ici avait été très clair il ne fallait pas trainer, de plus il semblait plutôt nerveux comme gars, Mike l'avait remarqué à sa façon désagréable de parler. Il avait l'impression que c'était un chien qui aboyait ses ordres à de petits êtres insignifiants et à vrai dire c'était plutôt le cas.
Mike se trouvait dans une vaste pièce avec un autre homme et trois jeunes femmes qu'il ne connaissait pas. L'une des jeunes femmes tenait un support avec une feuille et un stylo que lui avait donné le gardien. Il ne fallu pas longtemps pour que le jeune rockeur comprenne qu'elle était le chef du TP, elle n'avait pas l'air d'être une femme très autoritaire et semblait même plutôt être sympathique, tous semblaient plutôt sympas d'ailleurs, mais Mike n'était pas là pour discuter où se faire des amis, il était là pour travailler.
Pourtant un souvenir lui était revenu d'un coup. C'était comme un flash-back le ramenant 18 ans en arrière, Mike avait à peine 7 ans, il était dans une pièce avec son grand frère, pas très vieux non plus et ses parents. Cette pièce était blanche et des sceaux de peinture bleue étaient posés par terre. Il s'agissait tout simplement de la chambre de son petit frère qui n'était pas encore né et qu'ils commençaient à préparer.
C'était évident, son frère lui manquait, non à vrai dire ce sont ses deux frères qui lui manquaient.
Mike fut sortit de ses souvenirs par une voix claire et calme qui demandait :
"- Alors, comment tu décides de nous répartir ?"
Cette voix venait de la bouche d'une jeune femme brune. Mike regarda tout les membres du groupes un par un.

Ne préférant pas répondre à la place de quelqu'un d'autre Mike préféra se taire et attendre la réponse à la question qui devait sans doute être destinée à la chef de TP.

[Je suis impardonable...]

Alors qu’un gardien rappelait succinctement les quelques règles et précautions à observer, Alice Davis s’efforçait de faire taire l’éventuelle paranoïa mégalomaniaque qui la persuadait que la situation n’était autre qu’une attaque personnelle. Non, ce n’était pas l’ascendant de sa destinée qui l’entraînait à sa perte, ce n’était pas l’irréfutable volonté du ciel et encore moins un infâme complot commandité par le chat des voisins ; seulement Winston, ce cher et ô combien charmant Winston qui l’avait désignée volontaire pour intégrer l’équipe de TP et qui, sur le moment, ne lui inspirait guère plus qu’un mélange complexe de profond mépris et d’aversion totale aromatisé aux fines herbes. Note personnelle : penser à lui envoyer un bouquet de fleur pour le remercier de sa sollicitude et de sa délicate attention.

Un parfum d’allégresse flottait dans les airs et si, par pudeur ou par timidité, l’assemblée arborait une mine déconfite, tout dans leur silence consenti, dans leur apathie collective et dans leurs regards délavés, traduisait une liesse générale, un entrain exceptionnellement palpable. Quels agréables moments ils allaient passer ensembles, cloisonnés entre ces quatre murs ternes, à peiner conjointement dans l’optique de rendre cette salle salubre ! Et quel défi ils allaient devoir relever pour y parvenir aux vues de l’état actuel de la pièce ! La demoiselle manqua de peu de saluer l’ivresse unanime avec un joyeux « Doux Jésus ! Je sens que nous allons nous amuser ! », mais elle préféra ravaler ses propos ou du moins, les occulter momentanément. Le gardien venait de nommer Mademoiselle Mitra chef du TP. Hilarant.

Outre l’ambiance burlesque à laquelle chacun contribuait de par sa posture amorphe et sa gaieté incommensurable, le caractère désopilant de la situation venait avant tout de la constitution de l’équipe. La charmante compagnie d’Evangelyne Mitra garantissait à elle seule d’agréables échanges philosophiques en perspective. A défaut de briller par son amabilité et sa sociabilité, la demoiselle scintillait par des propos empreints d’une condescendance sans pareille et d’un dédain prodigieux qu’elle distillait avec génie au gré de ses humeurs et qui avaient le don de jeter un froid dans l’assistance. C’était toujours un réel plaisir de se retrouver enfermé dans une pièce exigüe en sa compagnie. D’ailleurs, la première chose dont Alice s’était enquis en entrant avait été de vérifier s’il y avait des fenêtres. Et quel fut son soulagement en découvrant qu’il y en avait bel et bien ! Si Evangelyne Mitra se comportait en terrible despote, elle pourrait toujours essayer de la défenestrer…

Fort heureusement pour sa santé mentale, Jared Stolarski, qu’elle soupçonnait secrètement, et non pas sans un certain contentement, de s’être inscrit aux TP dans un but autre que de payer ses dettes envers la société, était lui-aussi de la partie. Et bien qu’elle s’employât contentieusement à contenir son euphorie, elle ne put s’empêcher à de maintes reprises de chercher à la dérobée le regard bleu acier du jeune détenu. Les idées qu’il lui inspirait n’avaient rien d’innocentes et sa simple évocation suffisait à l’enflammer jusqu’au transport. Mais la présence des autres détenus lui permettait de garder les pieds sur terre et de ne rien faire qu’elle pourrait regretter par la suite.

Parmi les commis, volontaires ou non, se trouvait également Sarah Chase, sa codétenue et probablement sa seule alliée entre ces quatre murs, et un certain Mike Dallänski avec qui elle n’avait pas encore l’occasion d’échanger quelques mots.

Sarah fut la première à briser le silence qui s’était installé après la sortie du gardien, et si rien dans le ton qu’elle avait adopté ne laisser deviner la moindre once d’agressivité, un détail attira l’attention de la jeune détenue : le tutoiement qui à lui seul suggérait une méconnaissance absolue de la réputation qu’avait acquis Evangelyne Mitra depuis son arrivée. Un léger malaise se fit ressentir dans l’assemblée mais personne ne se risqua à venir en aide à la brunette, personne sauf Alice qui, moins par solidarité que par provocation, se permit de répondre à la place de l’intéressée.

– Je serais d’avis de diviser le travail en deux : trois d’entre nous peuvent commencer à poncer les murs pendant que les deux autres bâchent le sol et dégagent les angles. Enfin,

ajouta-t-elle avec une pointe de sarcasme à peine perceptible,

si, bien entendu, notre cher Evangelyne Mitra est d’accord. Hum ?

Etrangement, Alice tirait de cet affrontement implicite et quelque part malsain une certaine délectation. Rien de pathologiquement alarmant, mais quelque chose de néanmoins inquiétant. Un effet secondaire de son enfermement, sans doute. Un sourire insolent vint étirer ses lèvres tandis qu’elle arquait un sourcil en direction de la jeune femme, attendant avec amusement sa répartie.

[ Ce n'est pas le retard que je vais avoir du mal à pardonner ... ]

Eternellement, doit-on se battre contre soi-même ? Faut-il en un vain combat éternel affronter la terrible vérité que ce qui nous compose reste notre plus fervent ennemi ? N’est-il pas de vérité plus difficile à admettre que l’on se craint soi-même autant que l’on se déteste ? Finalement, la vie n’est-elle pas la perpétuelle aversion de l’Homme pour l’Homme et d’un individu pour lui-même, et lui seul ? Rejetant les mille torrents de l’aversion sur les autres ne permet-il pas de se libérer, un instant, une fois, quelques secondes, l’espace d’une ou deux seulement, durant lequel rien n’a d’importance car rien ne nous appartient. Eviter les regards accusateurs et inquisiteurs, ne plus souffrir des maux qu’on nous afflige ou que l’on s’afflige, oublier, s’oublier, n’être plus personne, n’être plus rien, s’abandonner, cesser d’exister, pour renaître à nouveau. Débarrassé de toute culpabilité fantôme, atténué de toute émotion frappante et foudroyante, délesté de cette haine rongeant, consumant, chair, idées et sentiments, l’Homme n’en serait-il pas plus détruit, démoli, et libre ? Libre de ne plus s’affronter, libre de ne plus s’excuser d’exister : se pardonner à soi-même le fait de se lever, de se coucher, de naître, de vivre et de mourir.

Stupide complexité enivrante, pénétrant l’âme sans vergogne avec véhémence et acharnement, jusqu’à ce que l’édifice cède, ou qu’il ploie seulement devant sa propre honte, son absence de dignité. Sa nouvelle absence de dignité. Défait de tout honneur, mort de culpabilité, souillé de tous les maux, de tous les vices et tous les torts, rongé jusqu’au cœur n’étant plus que cendres s’envolant au gré du vent, éparpillé sur les corps de tous et de personne, joignant la respiration du nouveau né autant que le dernier râle d’un vieux sage agonisant. Du début à la fin d’une vie, du lever au coucher du soleil, les choses, les tout et les rien n’ayant plus que la signification qu’on daigne leurs accorder, le commencement comme l’inévitable et dérisoire issue, inéluctables, insatiables et indépendantes. Sotte réflexion perdue dans les néants d’une conscience rongée par le mal. Un mal qu’on ne nomme pas, un mal qu’on ne comprend pas. Le genre de mal qui rappelle que les maux n’en sont que plus prenants. Le genre de mal qui rappelle que les mots, eux, sont impuissants.

L’espace d’une seconde, la réalité n’avait plus eu sa place. L’espace de deux secondes, la réalité avait perdu tout sens, tout goût, tout odeur et tout sens. L’espace de trois secondes, Evangelyne avait visité un autre monde, plus complexe, plus net, mais également plus personnel. L’espace de quelques secondes, elle avait finalement omis tout ce qui constituait ce monde auquel elle ne voulait pas appartenir, quoi qu’elle y soit finalement résignée. Ce n’était pas une évasion à proprement parler tant elle s’était recluse à un univers qui la terrorisait, mais elle avait eu la sensation d’échapper au moins pour un temps aux chaînes qui étaient bien plus entravantes que celles de Fox River. Ce n’était ni le lieu ni le moment – comme toujours – d’invoquer quelques pensées personnelles adjointes au fantasme mais il fallut qu’elle se confronte à cet aspect frustrant de la réalité, lorsqu’elle croisait plusieurs regards muets, et qu’elle sentit un silence lourd et profond s’abattre sur la pièce pour l’affaire d’une seule phrase. Il s’agissait là – tout du moins pour elle – de la preuve la plus probante d’une vision abstraite de son existence, et de ce qu’elle était. Pourquoi aurait-elle dû, elle plus qu’une autre, être confrontée à une telle situation pour seulement sept mots visiblement anodins ? Qui était-elle ou qui n’était-elle pas pour imposer une telle réaction collective ? Collective n’était, en réalité, pas tout à fait le terme.

Si le propos en lui-même n’avait rien de particulièrement désagréable aux oreilles d’Evangelyne, ce sourire si connu lui inspira une profonde et sourde haine qui rejoignit la totalité de son corps et de son esprit en seulement quelques secondes. Cette malicieuse insolence était l’une des premières choses qu’elle ne supportait pas, et joint au regard d’Alice, l’ancienne enquêtrice en retirait une amertume grandissante. Sans qu’elle ne sache pourquoi, elle jeta un bref regard circulaire à la pièce, pour se poser sur Jared. Ce fut à cet instant précis qu’elle sut exactement pourquoi, elle l’avait fait. Bien sûr, on ne le voyait pas au premier abord, évidemment qu’on ignorait cette convergence extrêmement complexe. Si Evangelyne avait pu faire cet étrange rapprochement, cela sembla être le fruit d’une pure coïncidence, qui n’enlevait d’ailleurs rien au propre de la situation qui était concentré sur un autre propos, bien différent. Elle revint se focaliser sur Alice, mais elle ne pouvait toujours pas supporter de son œil neutre cette attitude un peu trop condescendante, qui la rendait soudainement enfantine, stupide, et dénuée d’utilité et d’intérêts. La violence du jugement, qu’elle eut, eut rapidement un impact considérable sur sa vision et sa considération. Une sourde provocation s’envolait dans le vent, au gré de ses humeurs et de ses sacrifices. Evangelyne était si sereine quand l’ardeur de ses émotions était si perturbante. Plus elle y pensait et moins elle se pensait une femme. Ni un Homme d’ailleurs. Sa présomption était aveugle et sourde, mais c’était le seul recours d’une femme en peine et en colère.

Revenant encore une fois sur l’intérêt premier, il paraissait évident qu’une réponse était attendue. Pour l’une des rares fois de sa vie, Evangelyne se sentit extrêmement à l’aise. Aucune erreur possible, elle était à l’aise. Quoi qu’Alice ait l’idée de quelque frustration, aversion ou rancune, l’ex profiler – toujours profiler fondamentalement néanmoins – semblait peu encline à pénétrer quelques jeux. En réalité, il était certain qu’elle avait bien des propos assassins à lancer, des propos perçants, prenants et presque persécuteurs, mais quand bien même elle aurait été apte à les laisser sortir, elle aurait bien vite regretté son geste. Ce n’était pas un manque de délicatesse envers Alice, mais envers tous les autres. La situation respirait quelque chose de malsain, et tout portait à croire qu’Alice et elle n’allait rien arranger. En définitive, mieux valait lui donner raison, passer son chemin, et s’exécuter. Premièrement, cela lui éviterait de s’accabler davantage d’une culpabilité personnelle non justifiée, et ensuite, elle épargnerait à sa cadette de fatiguer son intellect et son cynisme, au profit, vraisemblable, d’un travail bien fait.

- Je présume que c’est encore le meilleur champ d’action. Mademoiselle Chase et moi allons nous convenir des bâches, pendant que Messieurs Dallänski et Stolarski, ainsi que Mademoiselle Davis commenceront à poncer.

Tellement neutre, tellement détachée. Elle avait désigné chacune des personnes nommées comme si de rien n’était, principalement parce qu’elle ne tenait pas à ce qu’une réplique ne lui échappe à l’égard d’Alice. Et pourtant, elle en avait. Il paraissait évident qu’elle aurait pu déborder sur un « Je me dispense d’appartenir à qui que ce soit » à l’égard du « notre », ou encore un « Passons immédiatement de votre manque d’affection, Mademoiselle Davis, à un travail concret » pour le « chère Evangelyne Mitra », sans omettre le grand et assassin « Je serai, quant à moi, curieuse de savoir à quel moment je vous ai demandé votre avis », chose, qu’évidemment, elle n’aurait jamais prononcé. En d’autres circonstances, peut être, mais en l’occurrence, la situation revêtait telle allure qu’il aurait été sot de rentrer dans ce « jeu » dont elle n’aurait jamais cru Alice capable. En définitive, elle en était déçue, réellement déçue, mais personne n’était censé et surtout obligé de le savoir.